Mont-Gaillard... lieux-dits et hameaux






Le MONT-GAILLARD comme nous l’entendons, en tant que quartier du Havre, dépendait jusqu’à l’annexion de BLEVILLE en 1953, de cette commune rurale.

Qu’en est-il de l’origine de l’appellation de ce village médiéval, qu’est BLEVILLE…
Blaie, blee... champ de blé - ville... ville fortifiée - villa... domaine rural - vilel... village - vilele... petit village
Ces mots ont été employés pour la première fois entre le Xème et le XIIIème siècle.

Commençons par rechercher l’origine des lieux-dits, hameaux et fermes… Certains hameaux, comme le Mont-Gaillard et la Jambe-de-Bois sont situés sur deux communes : Bléville et Sanvic…

Selon les auteurs, il arrive même qu’il y ait "récupération" d’évènements dans telle ou telle commune. On le voit dans les livres de Léon Braquehais ("Histoire de Bléville" édité en 1884) et d’Alphonse Martin ("Notice historique sur Sanvic et le protestantisme" édité en 1877).

Léon Braquehais, nous explique qu’ : "Après ce hameau (la Croix-Blanche) on rencontre ceux du Capuchet, du Pressoir et de la Bigne-à-Fosse, qui se trouvent à la limite d’Octeville. Si, partant de la Croix-Blanche, l’on veut aller au Bois-de-Bléville, on trouve les hameaux suivants : le Petit-Bléville, la Jambe-de-Bois (…) Après ce hameau de la Jambe-de-Bois s’offre celui du Mont-Gaillard, appelé ainsi jadis parce que la jeunesse blévillaise se réunissait en cet endroit pour s’y divertir, et y tenait parfois des propos gaillards."
Plan cadastral de Bléville dressé en 1827 (…) nous voyons figurer des terres ainsi désignées (…) la Plaine-du-Capuchet, les Moteaux, la Plaine-Sainte-Catherine, le Cimetière-des-Huguenots, la Plaine-du-Quesné."
Voici les limites de cette commune (Bléville) : au nord, la limite embrasse le Quesné, la Bigne-à-Fosse, le Pressoir, le Mont-Gaillard, le Petit-Bléville, la Jambe-de-Bois."

L’origine de ce hameau de "la Croix-Blanche" nous est contée à travers les registres paroissiaux de Bléville. En effet le prieur-curé Alexandre Briant de Vaston, en 1721, écrit :
"Cette même année nous, prieur-curé susnommé nous avons fait ériger en notre paroisse deux belles croix en pierre de taille l’une dans le cimetière qui a trois marches et l’autre sur le grand chemin de Fécamp au Havre en l’honneur de la sainte Passion de Jésus."
Cette Croix fut détruite à la Révolution, puis réapparue peu après… elle fut anéantie par les bombardements de septembre 1944. 4 ans plus tard, une nouvelle croix s’élevait. Voici le texte que l’on peut toujours y lire sur son socle :

"Ici fut érigée en 1721 une croix de pierre. Renversée en 1789 et remplacée par une croix de bois qui fut détruite en 1944. Le 4 mars 1948, un groupe d’amis, avec l’appui de la municipalité de Bléville, ont remis en place le Calvaire d’antan."

"La Bigne-à-Fosse". "Bigne-Fosse" sur certaine carte…Nom de lieu-dit. Origine inconnue, mais une hypothèse qui paraît logique lorsqu’on regarde la géographie du terrain. Qui n’a pas entendu dire dans son enfance : "Te voilà encore avec une bigne !". Une bosse, bien sûr ! Regarder la Coulée verte, vaste fosse qui paresse entre deux bosses. Nous avons "bigne" et "fosse"… assemblons les deux mots.

- "La ferme Boulogne " Ferme sur Octeville-sur-Mer…celle-ci se trouve sur le territoire du Hameau de la Borde… Sûrement le nom du propriétaire Boulogne, Boulongne, Boulongue…

- "Le Quesné ". "Plaine du Quesné" Hameau de Bléville. Au début du XIVème siècle il existe une "sente du Quesnay à Quief de Caux". En 1503 "fief ou portion de fief nommé le fief de Quesnay tenu du fief de Bléville". En 1579 "le Quesney de Bléville".
Le Cauchois nous parle de "Quênée"… chênaie…lieu planté de chênes

- "La Borde". Hameau d’Octeville… métairie… domaine agricole exploité par un fermier qui devait verser une partie de ses récoltes au propriétaire.

- "La Jambe-de-Bois" Hameau de Bléville et de Sanvic (selon les documents)… Alphonse Martin, dans "Notice historique sur Sanvic et le protestantisme" en 1877, n’en connaît pas l’origine "L’étymologie du quartier de la Jambe-de-Bois nous est inconnue, elle existe depuis plus de trois siècles, car le 1er juillet 1564, Charles Godin vend une pièce de terre située sur le chemin qui va à la Jambe-de-Bois."

Par contre Braquehais, dans "Histoire de Bléville", nous dit que :
"La Jambe-Bois, dénomination que nous trouvons dans des documents du XVIe siècle. Ce nom paraît venir d’un ancien propriétaire du sol ; ne serait-ce point le nommé François Le Clerc, capitaine de navire au Havre vers 1552, surnommé Jambe-de-Bois par l’historien Guillaume de Marceilles. (1)
(1) Mémoires sur la fondation et origine de la ville françoise de Grâce, manuscrit de la bibliothèque du Havre, écrit au XVIe siècle et publié par Joseph Morlent en 1847."

Bernard Nicolle, historien havrais et habitant du quartier, a étudié le personnage et en a écrit la biographie dans le journal du quartier « Vibraction » en 1990… Avec son aimable autorisation, je trace le portait en quelques mots, de ce "Jambe-de-Bois", le bien nommé :

Il fut anobli par le Roi Henri II en septembre 1551 afin de récompenser "les bons agréables et recommandables services que notre cher et bien aimé François Le Clerc a dès longtemps faits tant au feu Roi (François 1er ) qu’à nous"… Le Clerc, en tant qu’officier royal a en charge la défense des côtes de la Manche… C’est en 1552 que sa réputation de "corsaire" va débuter. Les voyages vont se succéder : Madère, les Antilles, les Canaries… C’est au cours de ses pérégrinations qu’il va perdre une jambe. Il fut ardent combattant, mais aussi habile commerçant. Le capitaine devint châtelain dans le Cotentin. En 1562, quand éclatent les guerres de religions, il prend faits et causes pour les protestants. Lorsque Le Havre est livré aux Anglais qui soutiennent les protestants, il reprend du service en mer aux côtés de ses anciens ennemis. Le Havre est délivré de la Réforme en 1563, François Le Clerc tombe gravement malade et meurt en août de la même année.
Bernard Nicolle termine de bel façon ses recherches : « Son fantôme hante-t-il encore notre ville et se hasarde-t-il, certaines nuits, dans notre quartier sur ce coin de terre qui lui appartint sans doute et auquel il a laissé son nom, ou plutôt son surnom de "Jambe-de-Bois" ? Si vous le rencontrez, surtout dites-le nous, nous aurions des questions à lui poser."

"Le Cimetière des Huguenots" Léon Braquehais dans "Histoire de Bléville", en parle : "hameau du Mont-Gaillard, on appelle encore aujourd’hui (1884) cet endroit le cimetière des huguenots"… il relève également sur le plan cadastral de 1827, un lieu dit "Cimetière-des-Huguenots".
Il cite Martin dans son "Histoire sur Sanvic" : "au XVIe siècle il y avait 87 protestants à Bléville. Le même auteur nous apprend que le 9 mars 1650 un protestant de cette paroisse âgé de 80 ans fut inhumé au cimetière huguenot de Bléville par le ministre protestant de Sanvic. Le champ de repos dont nous parlons étant situé au hameau du Mont-Gaillard, on appelle encore aujourd’hui cet endroit le cimetière des huguenots."
Dans le Recueil de la S.H.E.D., Louis Logié parle des "Archives du Temple protestant de Sanvic :
"En 1679, les ministres et anciens du prêche de Sanvic eurent un différend avec un bourgeois du Havre nommé Alphonse Lesauvage à propos d’un cimetière situé sur les paroisses de Bléville, dans la "vallée vulgairement appelée le Val Ricart"; ce cimetière était une pièce de terre de quatre perches se trouvant le long du "chemin tendant de la borde au grand chemin" ; les terrains voisins appartenaient aux nommés Aubéry, Pierre Doré et Lesauvage. Ce dernier avait planté des arbres à l’intérieur du cimetière, et les anciens du temple de Sanvic, Pierre Le Berquier, Jacques de Réauté, Jacob Quesnel et Pierre Mesenguel, voulaient lui faire enlever ; le différend, porté devant Pierre Maugier, juge subdélégué de l’intendant Le Blanc, fut jugé en faveur des protestants qui conservèrent leur cimetière de Bléville. »

- "Le Petit-Bléville". Hameau de Bléville…

- "Le Capuchet". "Plaine du Capuchet" "Fond du Capuchet" chapeau. Petit mont. Hameau de Bléville…

- "Sainte-Catherine". "Plaine Sainte-Catherine" au 15ème siècle « Sancte Katherine de Glategny » Hameau de Fontaine-la-Mallet…

- "Les Corneilles" Hameau d’Octeville…

- "Les Moteaux" petits monts. Lieu-dit de Bléville…

Concernant les lieux-dits, il ne reste que quelques traces de ces temps anciens, vous pouvez voir ces vestiges en parcourant les rues du quartier :
Des talus… rue Irène Jolie-Curie, devant la Cité de l’Ormaie
Rue Edward-Grieg, devant les petits pavillons
Rue de la Bigne-à-Fosse, devant les Résidences Provence et Bretagne, également à l’emplacement de la « Ferme Boulogne »
Demeure le clos-masure de la « Ferme du Mont-Gaillard » avec ses bâtiments et ses vieux pommiers.
Les plaques de rues « Rue de la Jambe-de-bois »…
Les arrêts de bus « La Ferme »…
Même les graffeurs et tagueurs se sont appropriés ces noms :
« MG »… « Mont-Gaillard »
« 5.4 »… « Sainte-Catherine »
Le plan en couleur est une partie du plan de 1937 conservé aux Archives Municipales du Havre : Fonds SANVIC O1 carton 4 liasse 3 (Fonds Sanvic puisque ce plan englobe Sanvic, Bléville, Le Havre, etc…)
Je ne m’en suis pas servi, mais vous pouvez consulter, au même endroit, les dossiers documentaires « Mont-Gaillard » 51/1.0 à 51/1.3
Il existe une association dynamique... "Association pour la promotion de Bléville - Mont-Gaillard - Dollemard" lien ... http://assopromo.canalblog.com/
Quentin DUREL a fait article sur "les tours de la place du Mont-Gaillard" lien... http://lehavre-07021517.blogspot.com/
Vendredi 6 octobre 2009

9 commentaires:

philzoc a dit…

Bravo pour ton dossier largement documenté sur ces lieux que l'on nomme sans en savoir l'origine.J'aime beaucoup la signification du hameau Mont Gaillard ;-)
Belle idée que d'essayer de faire connaitre la bloggosphère havraise aux journaux locaux !

LGV a dit…

Bonsoir, article très intéressant, étant de Dollemard, j'attend la suite sur cette partie de la ville !
En tout cas, moult détails et moult informations dont j'ignorai l'explication et dont je me suis souvent posé la question. si si vraiment !

DAN a dit…

Bonsoir Laurent.
Des noms de lieux que nous connaissons tous ou presque. Jamais il ne m'est venu à l'idée de rechercher leur étymologie, très intéressante de surcroit.
Avec toi c'est encore mieux on ne cherche pas puisque tu trouves.
Par ailleurs, j'ai lu un livre sur Sanvic où il est mentionné le nom de Boulongne ou Boulogne. Il y a d'ailleurs un octroi (rue de la cavée verte et Sadi Carnot dont je parlerais) qui a porté longtemps ce nom.
En tous cas, très intéressant article très fouillé et précis.
Bonne fin de semaine !

phyll a dit…

Laurent, à lire ce billet, j'ai le sentiment d'arriver au Havre (bien que j'y sois né) et j'apprend une histoire jusqu'alors inconnue pour moi sur ces quartiers !! j'ai vécu à Bléville et Dollemard (entre autres) pendant des années sans connaitre tout ce passé historique !!
si je peux me permettre, tu es une perle pour nous, Havrais amoureux de notre ville !!!
à bientôt te "re-rencontrer" !!!

marcopolo76 a dit…

Salut Laurent
Tu es vraiment un historien ..!
J'ai beaucoup aimé ton hypothèse sur la bigne à fosse que je t'avoue n'avoir jamais compris le sens, maintenant c'est fait ..!
Bien bien la nouvelle bannière..!
Marco

phyll a dit…

l'histoire de la jambe de bois m'intéresse beaucoup !!!
quant aux Huguenots......il y avait la mare aux Huguenots qui existait entre le hameau du bas Sanvic, qui "servait" aux tuilleries et autres briquetteries etc... (St Vincent depuis 1852) et le quartier de St Joseph.......mais là, on a de quoi,faire ......c'est une "autre" histoire !!(dont je suis friand !!!!)

Anonyme a dit…

bravo pour votre article très intéressant;j'habite moi même le grand hameau dont le nom est usurpé pour le futur quartier de bléville
je ferai un lien vers notre blog
sophie quinart

jps a dit…

Mais comment qu'c'est'y qui c'est tout ça??? eune vraie souris d'bibiotek!!

nicephore a dit…

Admirable article, je n'ai malheureusement pas le temps de "l'éplucher" en détail. J'y reviendrai c'est sur !