Que tout le monde sache... roman ? suite 4

Un autre client du bistrot, c’était un gras du bide toujours en bermuda… fauteuil roulant et grande gueule… de Besancenot à de Villiers en faisant un saut de puce chez les écolos, il était passé partout avec la même sincérité ! Il a toujours eu l’honnêteté de les trahir chacun leur tour ! C’est pas une girouette… c’est le moulin d’Alphonse Daudet ou tiens c’est un parc éolien à lui tout seul. Tout le monde l’appelait « Nanard » pas parce qu’il s’appelait Bernard, mais plutôt que de le surnommer « connard » certains ont trouvé plus affectueux ce Nanard. Tu remarques quand même qu’un film vieux et con à la fois… c’est un nanard ! Dixit pour notre andouille !
Ancien petit-ami de la patronne, il lui collait de ses œillades par moment, à faire bondir de son lit un grabataire longue durée ! Nicolas et lui s’était connu à une réunion pour la réhabilitation du quartier de l’Eure… s’étaient trouvé des points communs… plusieurs bistrots promis à la démolition, situés dans ce même quartier.

De temps en temps avec Boris on allait voir les gagneuses comme ma grand-mère disait. Quand j’avais 16 ans, avant que j’ai commencé à avoir copines, elle me disait de pas faire comme un de mes oncles, d’aller dépenser chez les créatures !
J’aimais pas trop ça, on allait rue de Suffren, tu sais près de la piscine, un petit bar crapoteux mais accueillant pour des petits jeunes qui voulaient se secouer la nouille ! J’étais plutôt du genre voyeur… voyou voyeur ! Boris insistait tellement, il en tremblait et bégayait ! ça l’inspirait pour le livre qu’il voulait écrire… je suis dans la peau du personnage, qu’il disait ! Mon cul, je pense qu’il baisait la nana comme il devait écrire, à la va-vite et sûrement pas du cousu-main ! Je m’en foutais de son bouquin, d’abord il m’avait jamais fait lire une ligne. Ça a été le même rituel pendant deux ans, on buvait une ou deux bières… après on montait dans une des quatre petites pièces qui servaient de chambres au 2ème étage. Moi le dernier à grimper et le premier redescendu ! ça durait vraiment pas longtemps j’avais pas envie de leur remplir le ventre pour du pognon !
On rebuvait un coup, lui griffonnait sur un cahier d’écolier, en cachant ce qu’il écrivait ! Je sirotais ma mousse… le regardais sans le voir.
Avec Boris on allait vers les 20 h se manger le petit-salé-pommes-de-terre et la crème caramel. En s’occupant de notre estomac, on se reconstruisait Le Havre… comme ça nous plaisait ! Un jour, on mettait des gratte-ciel partout de Saint-François jusqu’à Dollemard en passant par Caucri… du verre… du béton… du vertical comme le New-York de Louis-Ferdinand Céline dans « Voyage… ». Le Perret à côté c’était du communiant en aube blanche, de la vierge effarouchée ! A d’autres moments, on mettait du colombage en pagaille… de la pierre de taille… de l’ardoise… Pays de Caux à tout va !
On se faisait des voyages aussi, des endroits qu’on aimerait bien aller ! Moi c’était la Cochinchine et l’Egypte… dans ma tête y avait des rizières et du sable… de la pagode et de la pyramide !
Lui, c’était à partir de ses photos qu’il rêvait, comme il traquait l’humain… clochards… amoureux… ouvriers à travers l’objectif, il s’inventait des histoires, il était metteur en scène… les faisait parler ! Il était plus atteint que moi Boris question cérébral ! le fil qui le reliait du rêve à la réalité était pas bien épais !

Bon je reviens à Marie quand même. C’est à Exopotamie, qu’on s’est rencontré il y a des années ! Je voulais la marmotte qui était en vitrine parce qu’elle avait une gueule sympa ! Elle voulait la même ! La dernière en magasin. La vendeuse a atteint la pelucheuse bestiole et nous a laissé en discussion ! Elle m’a dit pourquoi cet animal… par amour fini… un homme épousé qui l’appelait « Marmotte »… mélancolie que de se retrouver sans tendresse à partager… enceinte elle était parce qu’enfant elle voulait ! Lui, pas ! Vivant toujours ensemble, s’éloignant petit à petit ! Disputes sans arrêt ! Elle ne voulait garder que les bons moments et les retrouver par l’intermédiaire du rongeur animal ! Elle m’avait fait le grand jeu… parlant doucement… me fixant dans les yeux !
Moi… aucune raison sentimentale, à part ce coup de foudre pour ce sympathique rongeur !
« Je peux vous inviter à boire un café, un jus de fruit… » j’ai dit ça sans trop réfléchir parce que je suis plutôt timide d’habitude !
Un « non » est arrivé très vite et après une toute petite pause « je préférerai un thé-citron »… on a été au « Bar de la banque » et puis on a parlé pendant une heure de tout et de rien ! On était certain de pas se revoir mais on s’est dit par réflexe « à bientôt » sitôt la porte franchie ! On ne savait ni l’un ni l’autre nos adresses… c’est comme ça les moments magiques… comme si ils n’avaient existé que dans nos têtes !

Mon grand-père c’était Gabin dans le film La Horse. Des mains comme des battoirs, le cheveu blanc et la colère dans les yeux sitôt le pet de travers ! Vraiment pas marrant ni causant le pépé. Le sourire je sais pas s’il savait, par contre les coups de casquette sur la tête des p’tits enfants, il les distribuait comme un chien pisse sur un réverbère. En plus, il bougançait sans arrêt !
La pêche s’était son passe-temps ! Il allait taquiner la gode et l’anguille au Pont IV et quai Joannes-Couvert ! Il partait la journée en vélo avec ses deux cannes en bambou, le casse-croûte dans la musette sans oublier la bouteille de 3 étoiles. Gueulant quand il était bredouille mais content quand il ramenait la friture à la maison. La grand-mère faisait revenir ça à la poêle, enfarinés et persillés les poissons, étaient préparés de mains de cuisinière aguerrie !
La guerre il l’a faite… 4 ans, engagé en décembre 14 et libéré en octobre18, avec quelques retours à la maison. Les copains à qui on avait coupé les jambes ou autres choses… de la bouillasse… des odeurs de charognes… des gars qui partaient en folie…
Gazé en début 18 et trépané dans la foulée, un éclat d’obus était allé se loger dans son crâne. Non le plaignez pas, il a été récompensé… médaille… diplôme… pension ! Il est rentré à La Remuée son village où il a repris son métier de corbeiller. Ses copains sont inscrits sur le monument aux morts, il se demandait souvent pourquoi il était en vie ! Dans sa tête fracassée, en 1940 quand il lisait dans « Le Petit Havre » que Pétain parlait de « retour à la terre » il repartait en regard fixe et triste… le grand-père l’avait vécu le retour à la terre, en hiver dans la boue et en été une terre sèche qui quand elle était en poussière allait se loger dans la gorge et les poumons ! Il en parlait de temps en temps sans jamais dire la guerre mais toujours « cette saloperie »

La 2ème fois que j’ai rencontré Marie, c’est au Fort de Tourneville, il y a cinq ans, une conférence de Patrice Rannou, sur l’anarcho-syndicaliste Jules Durand. J’étais placé au fond de la salle, quand une dizaine de minutes après le début de la causerie, une jeune femme aux cheveux mi-longs et trempés s’est assise à côté de moi. Une pluie à verse et un parapluie sans doute oublié ont fait que sa chevelure était dans cet état ! Ecoutant avec attention, elle a pris des notes ! A un moment d’écriture, deux grosses gouttes sont tombées sur son carnet… cette demi-seconde un peu surprenante nous a fait nous regarder ! 5 ans effacés en un seul regard ! La marmotte… c’était bien nous ! Pas question de parler pendant que l’orateur faisait revivre Durand, mais de temps en temps nos regards se croisaient sans insistance !
A la fin de la conférence… quelques questions-réponses… Enfin c’était fini, nous allions pouvoir discuter un peu. Trop tard pour un café, elle devait retrouver son fils gardé par une voisine-amie. Elle vivait seule, était journaliste indépendante. Pas évident avec un petiot, mais elle jonglait avec les horaires et en fin de compte cela lui allait !
Je crois que c’est dans « Zadig » que Voltaire a dit « il n’y a point de hasard ! » je le sais depuis pas longtemps, un copain qui m’a avoué que je disais cette phrase « il n’y a pas de hasard » quand je faisais des rencontres sympas ! Alors je lui ai resservit à Marie ma phrase fétiche ! Mais là pas question de la laisser repartir et puis dans ses yeux elle voulait pas non plus ! On s’est donné rendez-vous pour le samedi 16 h dans un petit bar à Saint-Vincent, celui qui fait l’angle en bas de la place, il y a toujours des chaises en terrasse et puis des musiciens de temps en temps…

Mais que pense Marie de Nicolas ?

Lundi 24 janvier 2011

9 commentaires:

DAN a dit…

Salut Laurent. Voila une belle plume trempée dans la sauce Havraise et qui nous donne un plat savoureux, bravo l'ami, on attend la suite !

harel a dit…

Oui on attend la suite et on situe bien les lieux ! Amitiés.

buddy2259 a dit…

Bonjour Laurent , je prends le train en marche et pour mon plus grand plaisir !

Mr Yak a dit…

Vite !! dis nous ce que pense Marie de Nicolas ...

Didier a dit…

Oui c'est de la belle écriture, et puis on est captivé, aller Laurent, on t'attend à la Galerne pour la dédicace, magne un peu.

phyll a dit…

je me joins aux amis pour te féliciter !!!
allez, "fais péter" la suite !! ;o)

Anonyme a dit…

Conseils tres interessants. A quand la suite?

François a dit…

Salut Laurent,

Merci pour ton texte

A quand un livre avec une telle plume ?

Anonyme a dit…

hi, new to the site, thanks.